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Tchad : Les «Mouhadjirines» fondent espoir sur la mendicité

Les enfants talibés appelés communément « Mouhadjirine » au Tchad sont des enfants envoyés par leurs parents à un maître d’école coranique, appelé en arabe local « Cheikh », « Marabout » ou « Séïdna », pour qu’ils puissent apprendre le Saint Coran et les traditions ( Hadisse) prophétiques.

Cette pratique présente dans certaines familles musulmanes il y a plusieurs années, a pour but d’apprendre aux enfants le Coran et les pratiques de l’islam.

Très appréciée à l’époque pour la formation qu’elle donne aux enfants dans le domaine spirituel et éducatif, elle est devenue, depuis quelques années, un fond de commerce pour les maîtres qui sont appelés à former ces enfants.

Issus pour la plupart des parents pauvres et sans soutien, les enfants talibés sont exploités par les maîtres, ainsi détournés de leur objectif principal.

Sous un soleil accablant, exposés à tous les risques d’accident et de maladies, ces enfants devenus des «collecteurs» des pièces de monnaie, prennent la route chaque matin après la prière de Fodjur ( l’aube) pour mendier dans les concessions, les restaurants et les marchés.

Habits troués, visages crispés, ces jeunes, l’espoir de la future génération, doivent eux-mêmes se nourrir et nourrir également leurs maîtres en leur apportant une somme d’argent où la fourchette journalière de chaque Talibés est connue d’avance.

Un enfant talibé (Mouhadjiri) rencontré devant un restaurant, assure ce jour, la garde des motos. Il explique qu’il a passé quasiment toute la journée sur ce lieu afin de trouver quelque chose.

«Je ne rentre que quand je totalise la somme que je dois débourser à « Seïdna » (maître en arabe local) si non il me punira.» Ajoute-t-il avec beaucoup de peine.

Un autre enfant talibé, pieds nus, dans des conditions hygiéniques déplorables, allongé sous la véranda d’une boutique confie à Toumaï Web Médias que lui et ses camarades sont sous la charge de deux maîtres, tous deux célibataires.

«C’est nous qui leur cherchons de l’argent et à manger. Chacun de nous doit débourser 200f par jour.» informe-t-il.

Selon lui, il ne rentre pas à la maison tant qu’il n’arrive pas à avoir la somme exigée par les maîtres par peur de représailles.
Il a indiqué aussi que c’est pour cela qu’il passe parfois la nuit sous les vérandas des boutiques et dans les écoles.

Les enfants jugés têtus et ceux qui tenteraient de s’enfuir sont enchaînés, privés d’eau et de nourriture pendant des jours.

Un maître d’école coranique interrogé par Toumaï Web Médias et qui a requis l’anonymat, indique que la réalité est toute autre.

Selon lui, ce qui les pousse à envoyer les enfants mendier est que les parents ne pensent pas à leurs progénitures.

«Nous, on a rien à leur donner. C’est pour cette raison qu’on les envoie mendier pour chercher à manger et quoi se vêtir.» Se justifie-t-il.

Pour l’Imam de la mosquée Nour’Al Houda de Goz-attor, aucun livre de l’islam n’autorise l’exploitation des enfants. Il va jusqu’à mettre en doute la maîtrise des livres saints par les détenteurs de ces écoles.

«Le Coran et les traditions prophétiques garantissent à l’enfant un bon traitement et une bonne éducation.

Vue comment les marabouts gèrent les écoles coraniques, il est clair qu’ils n’ont pas bonne connaissance du Coran et des traditions prophétiques.» a-t-il insisté.

L’imam dépassé par cette situation qui entache la religion musulmane, sollicite l’implication du Conseil Supérieur des Affaires Islamiques et des autorités concernées afin de moderniser ces centres et faire leur suivi pour assurer un bon traitement aux enfants, avec plus de dignité comme tout autre enfant de leur âge.

Enlevés à leurs parents dès leur jeune âge, les enfants talibés rencontrent beaucoup de difficultés, notamment le manque d’éducation, le mauvais traitement et l’exploitation.
L’étau se resserre chaque jour sur cette frange de la société, oubliés et privés de leurs droits par leurs maîtres.

Il importe donc de mettre fin à cette pratique par l’application rigoureuse de la loi relative à la protection des enfants et en modernisant les écoles coraniques.

Les plus hautes autorités du pays, le Conseil Supérieur des Affaires Islamique et les partenaires doivent éradiquer ce phénomène en sensibilisant les différents acteurs et en mettant en place un mécanisme d’accompagnement des enfants talibés à travers le Ministère en charge de la Protection de l’Enfance.

Toumaï Web Médias/Adam Ramadane Ibrahim

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