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Santé : Visite au cœur de nos hôpitaux, ces mouroirs des pauvres au Tchad

Il est 17h passé, Monsieur Alain à moto sur l’axe N’djamena-Koundoul se fait percuter par une voiture Corolla, résultat : sur le champ Monsieur Alain a perdu une jambe et une fracture à l’avant bras, avant son évacuation vers les pavillons des urgences à l’hôpital général de référence nationale (HGRN) vers 18h.

Dans un état critique, la victime a reçu une prise en charge légère après 06h. Aucun traumatologue n’est venu faire le constat, juste un garrot à la jambe gauche et une poche de sang.

La scène est ahurissante voir choquante pour tout humain, mais pour les dizaines de personnes à côté, rien d’anormal. Pire a été vu dans nos hôpitaux, s’exclame l’un d’eux.

Dans les couloirs et les deux grandes salles, quelques lits en état de dégradation avancée sont disposés avec quelques malades.

La majorité n’a pas de place, ils sont allongés par terre. Moins de 3 médecins et quelques infirmiers sont présents et font le va-et-vient entre les dizaines de malades admis depuis la soirée, la plus part dû à des accidents de la voie publique.

Un matin de février, à l’hôpital de la mère et de l’enfant, une jeune dame enceinte fait fausse couche et subit une hémorragie. La famille est appelée à aller à la banque de sang (centre national de transfusion sanguine) pour chercher quelques poches de sang pour leur fille.

N’ayant pas d’assez de donneurs pour 4 poches, la famille sollicite l’aide d’un agent mais ce dernier répond que le centre n’a pas de stock.

Quelques minutes après, dans la cour, un homme (démarcheur) s’approche et propose 80.000f pour deux poches de sang supplémentaires.

Dans l’urgence, la famille accepte. Aussitôt payé, aussitôt il rentre dans le même bureau et ressort avec 2 poches de sang. Une pratique interdite par la loi mais utilisée par les agents de ce centre. « Nous sommes obligés d’acheter car la vie de notre fille en dépend, même si nous savons que le gouvernement a dit que c’est gratuit » s’exclame l’oncle de la jeune dame.

Plus loin encore, à l’extrémité nord du Tchad, ici à l’Hôpital du district d’Ounianga Kebir (à vrai dire c’est un dispensaire avec un bureau et une salle de soin), un homme a subi des brûlures graves. Conduit à l’hôpital, un seul médecin sur place sans assez de moyens pour le prendre en charge.

Il est question d’une évacuation vers un autre centre hospitalier plus adéquat.

Problème ! L’ambulance est en panne depuis longtemps et le Ministère de la santé publique n’a pas songé doter la ville d’une autre. Une préfecture de surcroît devenue patrimoine mondiale de l’UNESCO, mais le constat est là.

À court de moyen de transport, le préfet prête la voiture de service afin que le patient soit évacué vers Faya. « le gouvernement nous a oublié, déjà tous les fonds de développement mis à disposition par l’UNESCO sont détournés et aujourd’hui vous voyez nos malades sont évacués par les moyens de bord » déclare un habitant.

A Massakory, la ville centenaire, dans le Hadjer Lamis, un enfant est admis à l’hôpital provincial suite à des complications.

Une équipe de médecins et infirmiers est à son chevet, mais le diagnostic tarde à venir. Tantôt une malnutrition, tantôt une anémie voir un paludisme, dans ces tâtonnements, aucune prise en charge n’est faite car chacun donne une version, la maman est confuse.

Le papa en voyage vers la Libye où il travaille dans la zone aurifère et la maman avec les moyens de bord ne peut se permettre une évacuation vers un centre médical adéquat.

Quelques jours plus tard, l’enfant rend l’âme par négligence ou parce que le serment d’Hippocrate a été trop pris à la légère. « Si la maman avait d’argent ou issue d’une famille nantie et le papa était présent, cet enfant ne sera pas négligé ainsi par les médecins », lance un voisin de lit de la famille.

La zone méridionale a aussi ses calvaires sanitaires. A l’Hôpital de Doba dans la province du Logone Oriental, un père de famille, la soixantaine révolue, est admis suite à des complications. La forme démontre une fatigue due peut-être à un début de paludisme comme la plupart de nos malades au pays.

Le médecin après quelques questions, fait un prélèvement sans attendre le résultat, il déduit un paludisme. Une ordonnance et voilà une perfusion, l’épouse, une ménagère ne connaît pas très bien les procédures habituelles pour alerter sur les antécédents de son époux et le jeune médecin ne pose aucune question.

20 minutes après l’administration de la perfusion, l’un des fils arrive et pose quelques questions au médecin. « Avez-vous vérifié son taux de glycémie et sa tension ? », surpris le jeune demande si le vieux est diabétique. Sur un ton d’énervement, le fils réplique quelle étude avez-vous fait ? Une personne de cette âge vous devez vérifier toujours sa glycémie voir demander à l’accompagnateur.

Le visage serré, l’enfant a toute les peines du monde  » vous voyez comment sont nos hôpitaux et nos médecins ? Aucun humanisme et aucune compassion, une personne de cet âge! la logique veut qu’on vérifie sa glycémie au minimum avant d’administrer un médicament. »

Sans un testeur sur place, il a fallu courir de gauche et à droite pour en trouver un. Après le prélèvement, il s’avère que le père est en hyperglycémie (3.4g/l) et une tension élevée (début d’un AVC).

Habitués à ce genre de négligence, les gens dans la salle ne peuvent que constater les faits sans dire un mot. Un jeune à côté d’ajouter, « cette province produit du pétrole depuis 20 ans mais toujours est-il qu’elle n’a pas bénéficié de ses retombés. Nous n’avons même pas un scanner mais des villes nouvelles comme Amdjarass bénéficient de toutes les infrastructures, mon frère laisse seulement. »

Des faits comme ceux qui sont relatés, ne sont pas des cas isolés. Aujourd’hui au Tchad, dans nos hôpitaux, chaque jour que Dieu fait, des cas de négligence, des erreurs médicales, des arnaques et autres sont rencontrées par les citoyens. Et aucune mesure de sanction n’est prise par les autorités.

Les réformes, les investissements annuels à travers des fonds de l’Etat ou des bailleurs ou encore les infrastructures sanitaires construites au cours des dernières décennies n’ont apporté aucun soulagement à la population lambda. Malgré des milliards mis sur les tables, les indicateurs restent au rouge comparativement aux investissements faits par les autres pays.

Le Tchad est classé dernier ou avant dernier dans le monde, le système sanitaire n’est pas loin des autres.

Des milliards investis chaque année et depuis plusieurs décennies mais rien ne change dans le fond. Être dans une structure publique pour avoir des soins appropriés face à un homme ou une femme ayant prêté serment est devenu un luxe.

Besoin essentiels de la population, le pays à travers différents gouvernements successifs n’arrive pas à fournir un plateau technique meilleure.

Les autorités pour la plupart bénéficient des évacuation vers d’autres cieux, chose que le citoyen commun ne peut en rêver. Une pratique qui pousse des milliers de familles à cotiser aujourd’hui et évacuer leurs enfants vers le Cameroun, Soudan, Égypte, Turquie…pour aller voir des médecins à cause des maladies qui normalement peuvent être traitées dans un centre de santé sur place.

Ce tourisme médical, n’est nullement fait par gaieté de cœur mais souvent parce que la confiance est rompue entre les citoyens et les héritiers d’Hippocrate.

Une confiance qui peut-être demande beaucoup d’efforts pour être rétablie. Car si les structures sanitaires publiques sont des mouroirs en partie parce que les médecins préfèrent s’adonner dans le privé pour gagner plus d’argent au détriment de l’humanisme, base de la médecine.

(A suivre)

Tahamouko/ Toumaï Web Médias

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