Retour au Bénin de 28 objets appartenant aux anciens rois d’Abomey
Ambassadeurs de France et du Japon, collaborateurs du président béninois, écoliers et étudiants, artistes, membres de familles royales, donateurs : tous étaient là vendredi soir au Petit Musée de la Récade, dans le sud du Bénin, autour d’un magnifique sabre d’amazone ornée de figures d’animaux.
Cet objet du 19e siècle, utilisé par les anciennes gardiennes des rois d’Abomey, fait partie des 28 objets désormais exposés dans ce musée de Lobozounkpa, après leur acquisition par un collectif d’antiquaires français passionnés d’art africain et du Bénin.
“Ces magnifiques récades (spectres royaux) sont de retour sur la terre qui les a vus naître”, s’enthousiasme Eric Totah, directeur de cabinet du ministre béninois de la Culture.
Il s’agit de deux collections historiques. Ces objets, collectés au 19e siècle, renvoient au richissime passé du Bénin. Ils sont le témoin d’une Afrique debout, combattante, résistante
“Nous accueillons dans notre collection 28 nouvelles pièces. Parmi ces œuvres nous avons deux sculptures, huit sabres, 16 récades et deux couteaux”, explique Marion Hamard, directrice générale du Centre pour les arts et la culture où se trouve Le Petit Musée de la Récade.
“Cela va nous permettre d’augmenter considérablement notre collection”, se rejouit-elle, espérant passer de 7.000 visiteurs annuels, essentiellement des écoliers ou des habitants de la localité, à 10.000 entrées pour 2020.
“80 % de notre public est constitué de jeunes enfants et de personnes issues de la localité dans laquelle nous sommes. C’est un objectif pour nous. Nous travaillons beaucoup à destination des gens parmi lesquels nous vivons”, selon la directrice.
Merline Atchokossi, élève de CM1, se réjouit d’ailleurs d’avoir vu pour la première fois les objets des “rois dont on a entendu parler en classe”.
Ces objets ont été acquis par le Collectif des Antiquaires de Saint-Germain-des-Prés en mars 2019 en France pour plusieurs milliers d’euros chacun, lors d’une vente aux enchères.
Ils proviennent de deux collections européennes privées: celle d’Alfred Testard de Marans, chargé de la Direction du Service administratif lors de l’organisation de l’Expédition du Dahomey en 1890 ainsi que celle de l’Abbé Le Gardinier, missionnaire colonial.
“Il s’agit de deux collections historiques. Ces objets, collectés au 19e siècle, renvoient au richissime passé du Bénin. Ils sont le témoin d’une Afrique debout, combattante, résistante”, explique Bernard Dulon, membre du collectif.
Symbole de pouvoir
“La récade, au 19e siècle, est un instrument de guerre, symbole de pouvoir et représentation du roi, ce qui lui donne un caractère historique important”, explique ce passionné.
Le Petit Musée de la Récade a été inauguré le 1er décembre 2015. Lors de son ouverture, sa collection était constituée de 37 spectres, 6 objets royaux et de culte fon, tous offerts par le Collectif des Antiquaires de Saint-Germain-des-Prés ou des collectionneurs privés.
Le retour d’oeuvres du patrimoine béninois issues de collections occidentales privées, s’inscrit dans dans le cadre de restitutions d’oeuvres d’arts premiers en partie pillées en Afrique du temps de la colonisation.
La restitution par la France au Bénin de 26 statuettes du Royaume d’Abomey, annoncée en 2018, et qui se trouvent au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris, se fera courant 2020 ou début 2021.
Le Bénin et la France ont signé un programme commun de travail sur “la circulation d’œuvres d’art, notamment sous forme de prêts et d’expositions”.
Les musées français, comme le Quai Branly qui dispose de la plus importante collection d’arts premiers, s’inquiètent d’une politisation du débat et d’arguments selon lesquels toutes les oeuvres en dépôt chez eux depuis la colonisation ont été malhonnêtement acquises ou pillées, et doivent être rendues aux nouveaux Etats.
Ils privilégient la circulation des oeuvres entre la France et l’Afrique, plutôt que des restitutions, sauf quand, comme c’est le cas pour les statues du Palais Royal d’Abomey, le pillage par des soldats français à la fin du XIXe siècle a été flagrant.
D’autres oeuvres ont été achetées, collectionnées lors de missions ethnologiques, ou leur origine reste inconnue.
AFP