Tchad : L’imbroglio d’une communication gouvernementale en chute libre
Convaincre avec une phrase et décevoir avec un mot est un art difficile d’autant plus que, quand on fait avec une certaine pensée du « déjà acquis ».
Celui qui veut convaincre, use des lexiques pour atteindre le cœur. Un style que beaucoup des beaux parleurs ou orateurs utilisent pour galvaniser et vaincre les foules sceptiques. D’autant facile pour persuader, l’esprit humain peut être choquer aisément par celles-ci.
Jean Paul Sartre disait qu’ils sont des pistolets chargés, pouvant aller jusqu’à déclencher une guerre. C’est pourquoi, William Shakespeare, célèbre dramaturge anglais conseillait de « Penser avant de parler et de pèser avant d’agir ».
Une histoire d’amour tragique comme celle de Roméo et Juliette si nous pouvons qualifier les événements que nous avons vécu ces derniers jours sur la scène publique tchadienne. Un drame que nous avons l’habitude de regarder sur Novelas ou Zee.
La démission surprise du ministre des affaires étrangères Cherif Mahamat Zene, héro pour les partisans d’une transition apaisée sans sanction de la communauté internationale depuis avril 2021 et les réactions de ceux qui l’adoubaient il y a peine quelques semaines, a pris l’allure d’une scène théâtrale à la Shakespearienne.
Au-delà de l’acte de l’ex ministre, c’est la communication ratée des ex amis qui attirent l’attention de plus d’un observateur de la vie publique. La chose la plus importante en communication, c’est d’entendre ce qui n’est pas dit, clame Peter Drucker.
Ici, qu’est ce qui n’a pas été dit ? Faisons la chronologie.
19 septembre, le gouvernement invite les diplomates accrédités au Tchad à une communication officielle. Quoi d’anormal ? Rien, tout gouvernement peut communiquer sur ses positions aux diplomates accrédités.
Le protocole annonce la présence du secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et le ministre porte-parole du gouvernement, la première fera la déclaration d’abord en arabe, premier couac, le porte-parole du gouvernement voit les choses autrement, il bouscule et prend la parole suivie de la Secrétaire d’état avec un étonnement de l’assistance.
A la fin de la déclaration, des murmures font place au silence et déjà sur les réseaux sociaux, le chef de la diplomatie annonce sa démission.
La communication tant préparée et voulue du gouvernement entre en second plan.
Le timing est bien choisi par l’ex ministre pour faire sauter la bombe d’autant que plus l’homme connaît le rôle que joue les médias non traditionnels dans la propagation d’une information aussi importante. C’est un amateur des réseaux sociaux et un utilisateur régulier comme son collègue de la communication.
En quelques minutes, la toile tchadienne s’embrase et les spéculations vont de bon train. L’homme qui a défendu le Conseil Militaire de Transition auprès des grandes instances et négocié avec les politico-militaires quitte le navire avec fracas. Normal pour les uns et trahison pour les autres.
Les mêmes arguments et la même méthode qu’un certain Abdoulaye-Sabre Fadoul qui avait dénoncé un environnement de travail malsain pour continuer à servir.
Mais pour certains, c’est une hypocrisie de quitter maintenant. D’abord le directeur adjoint du Cabinet du président qui y voit une manière de «pleurnicher» du ministre et annonce sur les réseaux sociaux le remaniement prochain du gouvernement au sortir du Dialogue National Inclusif et Souverain en cours. Il déclare haut et fort que le ministre Cherif Mahamat Zene ne sera pas reconduit, c’est pourquoi il a anticipé pour s’attirer l’attention du peuple. L’homme qui gère l’agenda du chef de l’État, laisse couler un secret, vrai ou faux, il est le seul à connaître.
Son collègue, chargé de la communication du président enfonce le clou, balançant qu’une feuille morte tombe toujours de l’arbre et les vertes restent sur les branches sans oublier les versets coranique du porte-parole pour s’esquiver de soupçon.
Deuxième couac, le chef a-t-il autorisé ces collaborateurs à régler cette affaire interne en publique ?
Silence à la primature, le chef du gouvernement sous qui le ministre dépend ne prend pas acte ni ne rejette la décision. Aucune communication officielle ne sort mais les conversations privées (de WhatsApp) fuites sur les réseaux sociaux.
Le public comprend vite que c’est une dispute entre deux collègues qui a finit par frustrer l’un et un règlement de compte s’organise sur la toile.
Troisième imbroglio, le chef de l’État et son premier ministre restent muets face à la situation causant une confusion totale parmi les observateurs qui voient des adultes et responsables s’agiter sur les réseaux sociaux sans passer par les canaux officiels.
Dans une phase de transition cruciale où les différentes corporations discutent autour des problèmes du pays, d’autres sapent le dialogue. Ils jouent à ce que Roland Barthes, philosophe et linguiste décrit comme
« Ce que le public réclame, c’est l’image de la passion, non la passion elle-même ».
Nos cadres, dans la précipitations nous vendent l’image de la passion, que le peuple aime et se passionne à déguster.
Aucune communication officielle toujours et les gens partent de leurs commentaires. On annonce même le rejet de la démission.
Arrive enfin, le porte-parole du gouvernement sur le plateau de la télévision nationale, introduit comme un imam dans une mosquée sans communiqué officiel, signé, cacheté et chronométré.
Le porte-parole mis en cause par les rumeurs se dédouane de toute implication dans la démission de son ex collègue qu’il traite « d’individu ». Annonçant dans la même foulée, la prise d’acte du chef de l’État « sans etat d’âme » du départ du ministre, une annonce faite en commentaire libre.
Ceux qui parlent ne savent pas, ceux qui savent ne parlent pas. »
Des termes peu diplomatiques, pour une communication officielle. Une déclaration arrosée de quelques goûtes de vinaigre sur les aventures du ministre démissionnaire « en villégiature au moment où l’avenir du pays se décide », » à ma grande surprise nos conversations privées se sont retrouvées sur la toile », « il a pris toute sa famille pour Dubaï » etc.
Le ministre porte-parole du gouvernement empruntant la pensée de Charles-Maurice Talleyrand Ceux qui parlent ne savent pas, ceux qui savent ne parlent pas. »
A travers cette assertion, il met tous les observateurs dans la cacophonie, dénigrer l’autre pour paraître angélique. Mais sans compter sur l’ex ministre qui depuis Dubaï, replique dans la foulée par ces termes : » Que ceux qui s’agitent outre mesure sur la toile depuis ma démission au point de se ridiculiser et, assènent des contrevérités à longueur des journées, s’occupent d’autres choses. » Une manière de démentir le gouvernement et sa communication ?
Pour le porte-parole, il suffisait d’annoncer la prise d’acte du gouvernement sans aller trop. Ralph Waldo Emerson ne disait-il pas :
“Un discours à la fin d’un repas doit être comme la robe d’une jolie femme. Assez long pour couvrir l’essentiel. Assez court pour rester intéressant” ?
En voulant argumenter un non évènement dans une République et une administration responsable, car les démissions sont choses courantes, la communication du gouvernement a poussé les observateurs de la vie publique à démontrer que les captures d’écran sont issues du téléphone du porte-parole et non de celui de l’ex ministre. Une aberration pour beaucoup d’entre nous, qui ne comprennent pas qu’un tel mensonge peut être prononcé devant des milliers des téléspectateurs pendant qu’au Dialogue des propositions pour punir les mensonges au sommet d’Etat sont mises sur la table par les participants.
La communication est un art et non seulement un outil entre les mains de ceux qui ont le pouvoir. Il ne suffit pas de savoir parler mais c’est aussi savoir utiliser les bonnes expressions au bon moment. Une technique développée par Dominique Wolton dans son livre « Penser la communication » publié en 1997.
Donnons du temps au temps» disait le Tchadien Dr Khayar Oumar Deffallah
Les Tchadiens ont accepté de se soumettre à cet exercice et de découvrir d’eux même le fond d’un Gouvernement superficiel, disparate dans les idées, hésitant dans les décisions.
Il tangue à assumer ses responsabilités dont des milliers des vies humaines et des générations attendent avec impatience la définition de leur destin.
Toumaï Web Médias/Tahamouko