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Russie : Connaître l’équilibrisme mondial tenu par l’arme de dissuasion nucléaire

Engagée dans un processus de modernisation extrêmement ambitieux de ses forces armées qui, à l’horizon 2020, doivent être dotées de 70 % de matériels neufs, la Russie, comme toute puissance nucléaire, met logiquement l’accent sur la rénovation de son arsenal atomique.

Celui-ci, composé de systèmes récents mais surtout de vétérans de la guerre froide, bombardiers stratégiques Tupolev-95, sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) Delfin, ICBM (Intercontinental Ballistic Missile) R-36M2, arrive dans une large mesure en fin de cycle opérationnel. Cette situation impose une réaction des autorités russes, habitées, à l’image de leur opinion publique, par un complexe obsidional.

Car la Russie, qui a célébré cette année le 70e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie, est encore marquée par la Grande Guerre patriotique au cours de laquelle 27 millions de Soviétiques ont trouvé la mort. Le pays est passé au bord de la rupture et de la défaite à deux reprises, à l’hiver 1941 devant Moscou, à l’automne 1942 à Stalingrad. L’immensité des espaces russes, la supériorité numérique de l’Armée rouge, le potentiel industriel soviétique, supérieur à celui du IIIe Reich en termes de capacités productives, n’ont pas suffi à le protéger. En conséquence, seul le mécanisme de la dissuasion nucléaire est jugé depuis 1945 apte à assurer la sécurité.

À l’aune de cette vision teintée d’angoisse, l’usage de l’arme atomique en premier, que la doctrine de défense russe assume en cas d’agression conventionnelle, s’explique. Parce qu’elle doute du potentiel de ses troupes à résister durablement en cas de conflit de haute intensité, la Russie a adopté une posture nucléaire intégrant la possibilité de délivrer si nécessaire un ultime avertissement, tel qu’il était conçu par la France durant la guerre froide, avant de monter aux extrêmes.

Le projet de boucliers antimissiles américain en Europe, l’éventualité d’une modernisation des bombes tactiques de l’Otan B-61 au standard B-61-12, leur assurant une précision accrue, sont perçus par les autorités russes comme un signe que l’Alliance atlantique examine les possibilités de conduire contre elles une guerre nucléaire et de la gagner.

Cette crainte relève sans doute, aux yeux de la plupart des « Occidentaux », de la paranoïa. Mais aussi irrationnelle soit-elle, elle doit être prise en considération.

D’une part, parce qu’aux yeux des Russes elle n’est pas plus irrationnelle que les avertissements lancés depuis le début de la crise ukrainienne par l’Otan ou la presse occidentale, évoquant régulièrement une agression du Kremlin contre les États baltes, la Scandinavie ou la Pologne, dans la foulée d’une offensive victorieuse en Ukraine.

D’autre part, parce que c’est elle qui provoque l’instrumentalisation par la Russie d’une possible nucléarisation de l’oblast de Kaliningrad, sur le territoire duquel Moscou menace régulièrement de déployer des SRBM (Short-Range Ballistic Missile) Iskander [1] qui lui permettraient, en cas d’hostilités en centre-Europe [2], de neutraliser le bouclier antimissiles otanien et de riposter à toute offensive majeure par le lancement d’un ultime avertissement.

Si ce dernier venait à ne pas dissuader l’adversaire, l’Otan ou à plus long terme la Chine, de poursuivre l’agression, la Russie se prépare logiquement à l’éventualité d’une riposte massive dès lors que ses intérêts vitaux sont jugés en danger et le sanctuaire national, plus particulièrement, menacé.

Dans ce cadre Moscou multiplie les efforts de modernisation tous azimuts, au point que l’on pourrait juger les autorités russes fébriles. Chaque composante de la triade stratégique développe un ou plusieurs nouveaux programmes de matériels tout en conduisant des opérations de rétrofit des générations précédentes.

La composante nucléaire aéroportée est celle qui a fait l’objet des annonces les plus retentissantes et les plus récentes.

La Fédération de Russie a confié en 2009 à l’avionneur Tupolev le développement d’un nouvel appareil, le PAK-DA [3], qui suscite bien des doutes compte tenu de plusieurs facteurs.

Cairninfo

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