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Élections. Afghanistan : les talibans réussiront-ils à faire dérailler le scrutin ?

Reportée à deux reprises, l’élection présidentielle afghane se tient ce samedi 28 septembre. Ces dernières semaines, les talibans, après que leurs négociations avec Washington ont tourné court, ont pourtant tout fait pour l’empêcher.  

Le risque d’attaques meurtrières contre des rassemblements politiques et des bureaux de vote pèse lourdement sur le scrutin prévu en Afghanistan ce samedi 28 septembre. Cette élection présidentielle – la quatrième depuis 2001 – est reportée depuis six mois. L’incertitude planait sur sa date en raison des négociations entre les États-Unis et les talibans concernant un retrait progressif des troupes américaines. Une neuvième séance de discussion s’est tenue à Doha en septembre.

La majorité des Afghans ainsi que plusieurs candidats à la présidentielle espéraient qu’un accord de paix entre les talibans et le gouvernement américain permettrait de reprogrammer les élections et d’entamer un dialogue interafghan. Mais les talibans ont refusé de discuter avec le président Ashraf Ghani, qu’ils considèrent comme un “laquais” des États-Unis.

L’indétermination autour de ces élections, ajoutée aux menaces d’attentats contre les rassemblements politiques, a dissuadé les candidats à la présidence d’organiser de grands meetings électoraux.

La paix avant des élections

Au début de sa campagne le 9 août, Shahab Hakimi, l’un des 18 candidats en lice, a déclaré qu’il ne “pourra[it] pas y avoir d’élections justes tant que le pays ne sera[it] pas en paix”. Pour Hakimi, les Afghans ont besoin de paix avant d’organiser des élections libres et impartiales pour désigner leur président. Une opinion qui est partagée par d’autres candidats faisant de la paix une priorité. Le président Ghani n’a toutefois pas reculé, déclarant que le prochain gouvernement serait en mesure de négocier la paix avec les talibans.

Le 7 septembre, le président américain a surpris tout le monde en annonçant sur Twitter qu’il annulait les discussions avec les talibans ainsi qu’une rencontre secrète avec leurs représentants à Camp David. Il a plus tard expliqué avoir été irrité par l’attitude des talibans, qui ont réfusé de cesser leurs attaques alors qu’ils négociaient un retrait partiel des troupes américaines.

Après l’annonce de la rupture des négociations, le gouvernement afghan a affiché sa détermination en annonçant le maintien du scrutin pour le 28 septembre. Courroucés par l’annulation de leur rencontre avec le président Trump et la suspension des négociations, les talibans s’emploient désormais à perturber le scrutin et terrorisent la population afin de décourager les électeurs d’aller voter.

Un mois plus tôt, ils avaient écrit sur leur site Internet que ces élections “n’aur[aient] aucune forme de légitimité car le pays est sous occupation”. Selon eux, ce vote est “une ruse visant à piéger le peuple afghan”, la “décision finale étant en réalité entre les mains des étrangers qui disent superviser l’opération”.

Multiplication des attentats

Les talibans ont appelé les Afghans à rester à l’écart de tout événement en lien avec les élections pour leur propre sécurité. L’inquiétude est montée d’un cran après les attaques perpétrées contre le bureau d’un candidat à la vice-présidence qui ont coûté la vie à au moins 20 personnes à Kaboul, le 28 juillet. Ces attentats auraient poussé un autre candidat à annuler un rassemblement prévu le 23 septembre dans les environs de la capitale, indiquent les médias locaux. Les talibans ont exprimé des inquiétudes en même temps que des menaces, déclarant que leurs “compatriotes feraient mieux d’éviter les rassemblements et meetings pouvant être pris pour cibles”.

Le 18 septembre, les talibans ont publié un second message sur leur site Internet appelant les professeurs, les étudiants et autres personnels de l’éducation de tout le pays à ne pas participer aux élections afin d’éviter des attaques contre des bureaux de vote. D’après les médias locaux, les talibans auraient fait fermer des dizaines d’écoles à travers le pays.
En réaction à ces menaces, le gouvernement a réaffirmé son intention d’organiser bel et bien le scrutin. Mettant en avant le droit légitime des Afghans à élire un nouveau président, le gouvernement déclare que les forces de sécurité prendront toutes les mesures nécessaires pour prévenir tout risque d’attaque des talibans.

Baisse du nombre de bureaux de vote

Le 28 juillet, jour de l’ouverture officielle de la campagne, une voiture piégée a explosé devant les bureaux d’Amrullah Saleh, un ancien chef du renseignement afghan postulant au titre de vice-président en association avec le président Ashraf Ghani. Ses locaux à Kaboul ont été soufflés et Saleh, âgé de 48 ans, a échappé de peu aux balles de tueurs qui se sont introduits dans le bâtiment de cinq étages.

Au moins 35 personnes ont perdu la vie dans cet attentat. Amrullah Saleh accuse publiquement les talibans d’en être responsables bien que l’attaque n’ait été revendiquée par aucun groupe terroriste. Une seconde attaque a été menée contre la campagne du président Ghani le 17 septembre. Un kamikaze s’est fait exploser à l’entrée d’un meeting électoral organisé dans l’enceinte d’un centre d’entraînement de la police dans la province de Parwan. L’attentat a fait au moins 26 victimes civiles et plus de 42 blessés. Les talibans ont revendiqué l’attaque, jugeant que la réunion électorale représentait “une cible militaire”.

Le 20 septembre, plusieurs roquettes ont atterri à proximité d’un rassemblement organisé par le candidat à la présidentielle Gulbuddin Hekmatyar, dans la province de Paktiya. La campagne du candidat dans la région a été perturbée mais on ignore encore le nombre de victimes de cette attaque.

Abdul Salam Zaeef, ancien membre des talibans ayant rejoint le processus de paix et vivant à Kaboul, a accordé un entretien à la chaîne Kabul News TV dans lequel il affirme que les talibans contrôlent la majorité du pays – entre 50 et 60 % du territoire – et qu’ils s’opposent à la tenue de ces élections.

L’association pour des élections libres et impartiales en Afghanistan (Fefa) a indiqué que 6 775 bureaux de vote avaient été ouverts pour les élections de 2014 tandis que cette année il n’y en aura que 4 942. Cette réduction du nombre de bureaux de vote pourrait être problématique, d’autant que d’autres fermetures pourraient s’y ajouter en raison de craintes pour la sécurité. La Commission électorale indépendante (IEC) a annoncé que près d’un quart des bureaux de vote (26 %) resteraient fermés par mesure de sécurité.

Source: Courrier International

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