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Tribune : “Le principe de la solidarité gouvernementale remis en cause” Ismaël Moussa Fodoul

L’ actualité politique du Tchad place sur le devant de la scène nationale, la problématique de la solidarité gouvernementale dans un contexte de transition marqué par des tensions sociales et politiques particulières, aborder cette thématique, est une nécessité.

Si l’histoire du droit constitutionnel nous renseigne que la notion de solidarité gouvernementale apparue probablement à la seconde moitié du XXe siècle était une spécificité des régimes parlementaires en raison de la responsabilité du gouvernement devant le parlement (vote de confiance ;motion de censure) , elle est, de nos jours, ancrée presque dans tous les régimes y compris celui d’exception à cause de la nature de leur mission [ l’intérêt supérieur de la nation, l’obligation d’assurer la continuité du service public, la recherche d’efficacité dans le fonctionnement de l’Administration publique… ], de la fragilité des institutions et de l’éminent péril collectif par manque de cohésion de l’équipe gouvernementale.

La solidarité gouvernementale ou ministérielle est un comportement politique collectif qui rend chacun des membres du gouvernement solidaire des décisions par lui(GVT) prises, les assume et en porte la responsabilité. Aucun ministre ne peut s’y soustraire qu’en démissionnant ou être remercié par une exclusion du gouvernement.

C’est en vertu de ce principe de solidarité que les décisions importantes sont discutées et prises de manière collégiale afin d’aplanir les divergences tout en offrant à chacun la possibilité de défendre ses opinions, sa vision, ses convictions et d’exprimer éventuellement ses inquiétudes ou désaccords .

Le premier ministre s’informe régulièrement de ce que font les ministres pour éviter tout dérape pouvant entraîner une instabilité gouvernementale , en cas de désaccord avec l’un d’eux, le Chef de gouvernement l’obligera à se conformer à la politique gouvernementale ou à quitter le gouvernement. Chaque ministre est encouragé à s’intéresser aux faits et gestes de tous les autres ministres afin d’éviter que le gouvernement ne tombe ou que son bon fonctionnement ne soit entravé par la faute d’un ministre indélicat qui fait passer ses intérêts personnels avant ceux du gouvernement ( intérêt général). Le conseil des ministres ou le conseil de cabinet selon le cas est le lieu indiqué de cette information. Après avoir été informé de tout ce qui se trame, se dit et se fait, chaque ministre a la possibilité de rester dans le gouvernement. En cas de différend avec un point de la politique gouvernementale, soit il tait ce doute personnel et accepte implicitement ce qui est entrepris par l’exécutif , soit il s’en va, ce que le célèbre ministre français, Jean- Pierre chevènement résumait élégamment en février 1983 par :[un ministre, ça ferme sa gueule, si ça veut l’ouvrir, ça démissionne].
Un gouvernement est un ensemble des ministres solidairement responsables défendant et réalisant une même politique, celle du gouvernement. Donc il serait utopique de croire qu’on peut en être membre et n’en faire qu’à sa tête par conséquent un ministre se soumet ou se démet et/ ou disparaît.
Le principe de la solidarité offre de nombreux avantages entre autres :
-une meilleure coordination de l’action gouvernementale;
-une amélioration de la performance globale du service public ;
-une communication gouvernementale cohérente et efficace ;
-préserve et consolide la paix, l’unité nationale et la cohésion sociale ;
-cree une responsabilité disciplinaire individualisée des ministres ;
-assure la continuité du service public ;
-rassure les partenaires techniques et financiers ;
-renforce la confiance du peuple envers ses dirigeants etc.
Cependant, les conséquences de son absence peuvent être multidimensionnelles et préjudiciables à la paix,stabilité et à l’unité nationale. Le manque de cohésion gouvernementale, dans l’histoire politique timultueuse du Tchad, était plus d’une fois la goutte d’eau qui a fait déborder la vase.

Les différentes crises successives qui ont émaillé la vie politique de notre pays dans les années 1970 jusqu’à la fin des années 1980 ont eu principalement pour l’élément déclencheur la transgression dudit principe.

L’ exemple le significatif est celui du premier ministre de l’époque accueilla le président Félix Malloum de retour d’un voyage en Chine à l’aéroport de Ndjamena en ayant les mains dans les poches (signe de mépris, preuve d’un climat de confiance détérioré) dont les images ont fait le tour du monde et tout ce qui s’en est suivi .

Ainsi plusieurs gouvernements de ce pays ont péri par la violation de ce principe fondamental. Que Dieu nous en préserve !
Nous avons récemment appris par la presse que tel ministre ordonne telle chose pendant que le gouvernement entreprend le contraire du moins quelques membres ou encore des ministres faisant des déclarations contradictoires au même moment sur un même sujet laissant les citoyens dans la confusion et ne sachant qui croire !
Dans une période de crise où les sensibilités sont toujours aux aguets, Il serait dangereux d’aller sur ce terrain. Raison pour laquelle, je pense qu’il serait préférable que le premier ministre anticipe cette situation .

Aussi vital qu’il soit le principe de la solidarité gouvernementale est davantage une attitude, une tradition, un usage, un comportement politique qu’une règle juridique proprement dite. C’est pourquoi, il est fréquemment bravé par des ministres poursuivant leurs intérêts politiques au détriment de l’intérêt général.

Raison pour laquelle le législateur notamment tchadien a institué ce qu’on appelle l’obligation de discrétion professionnelle ou de réserve via la loi 17 portant statut général de la fonction publique. Cette obligation implique que tout responsable de l’État est tenu de faire preuve d’une discrétion absolue pour tous les faits et informations dont il aura connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. C’est une obligation protègeant non seulement l’État, mais aussi les particuliers.

L’État moderne détient une panoplie d’informations et des renseignements sur la vie des individus.

Il est important que cette mémoire administrative ne soit pas laissée au grand public par les institutions. Faudrait-il entendre l’obligation de discrétion dans un double sens impliquant d’une part, l’obligation de secret professionnel et, d’autre part, l’obligation de discrétion professionnelle.

Si ce principe protège l’administration et ses usagers entraîne aussi l’encadrement ou la réduction de la liberté d’expression.

NB: en rédigeant cet article, je ne vise personne en particulier et je ne défend personne en particulier. Je souhaite modestement contribuer à ma manière à l’édification du Tchad que nous voulons.

Par Ismaël Moussa Fadoul

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