Désordre. Qui gouverne le Pérou ? Comprendre la tempête politique à Lima
En quelques heures, le président péruvien a été destitué temporairement par le Parlement, avant de retrouver son poste. Depuis plusieurs années, le pays traverse une crise politique avec, en toile de fond, des révélations en cascade sur la corruption liée à l’affaire Odebrecht au Pérou.
Qui gouverne le pays ? s’interroge la presse, tandis que se joue un bras de fer, au Pérou, entre l’exécutif et le Parlement.
Dans la soirée du 30 septembre, le président Martín Vizcarra avait annoncé la dissolution du Parlement, dominé par le puissant parti fujimoriste de Keiko Fujimori, Fuerza Popular, et ses alliés. Le président annonce des élections législatives anticipées au 26 janvier 2020 (elles devaient avoir lieu en 2021) dont les députés actuels ne veulent pas.
Le Parlement dépose alors le président dans le cadre d’une “suspension de douze mois pour incapacité temporaire”, rapporte El Comercio. La vice-présidente Mercedes Aráoz est désignée par la chambre pour suppléer au président.
L’état-major de l’armée et la direction de la police nationale annoncent leur soutien au président et à “l’ordre constitutionnel”, selon les mots des chefs des armées cités par le site Peru21.
Le lendemain, Mme Aráoz renonce à ses deux fonctions de vice-présidente et de présidente “par intérim” du pays. Le blocage institutionnel est total.
Pourquoi le Pérou connaît-il une telle crise ?
Pour un politologue interrogé par le site en espagnol de la Deutsche Welle, “les corrompus et les populistes ont discrédité les institutions au point de nuire au bon fonctionnement du pays.” Le spécialiste se réfère à la longue série d’affrontements entre le parti fort aux commandes au Parlement, Fuerza Popular, et un exécutif dont l’image est affaiblie par les mises en accusation d’anciens présidents dans des affaires de corruption.
Un exécutif affaibli. Martín Vizcarra, qui n’est pas concerné par les accusations de corruption, a ainsi succédé à Pedro Pablo Kuczynski en 2018 après la démission de ce dernier pour cause de poursuites judiciaires dans le cadre du célèbre scandale de corruption Odebrecht [l’entreprise de BTP brésilienne] qui affecte particulièrement le Pérou. Deux autres anciens présidents, Ollanta Humala et Alejandro Toledo, sont dans la mire de la justice sur le même dossier, et un troisième, Alan García, s’est suicidé au moment de son arrestation.
Martín Vizcarra a fait voter des réformes, destinées à combattre la corruption, qui l’ont confronté au Parlement, explique BBC Mundo. À plusieurs reprises, la Chambre a fait achopper les mesures proposées par le gouvernement, qui a utilisé le levier de la question de confiance pour faire passer ses projets. De fait, souligne Deutsche Welle, “Vizcarra n’a pas de parti politique à lui, et il manque d’appuis dans la capitale, c’est un provincial”.
Un Parlement qui se protège. La tête de pont du parti Fuerza Popular, Keiko Fujimori, fille de l’ancien président condamné à vingt-cinq ans de prison pour crimes contre l’humanité, est elle-même en prison préventive dans le cadre de l’affaire Odebrecht.
Mais beaucoup d’autres élus de son camp ou de celui de ses alliés craignent d’être inquiétés par la justice, d’où leur opposition à convoquer de nouvelles élections et leur empressement à “prendre le contrôle du Tribunal constitutionnel” en nommant les nouveaux membres de cette institution, écrit BBC Mundo.